Pour information
L'argumentaire ci-dessous a été rédigé par les organisateurs de la conférence pour introduire la table ronde et non par les intervenant:e:s listé:e:s ci-dessus. L'argumentaire n'engage donc pas leur responsabilité scientifique.
Argumentaire
La bibliographie sur les disciplines, leur définition, leur utilité et l'interdisciplinarité est immense depuis le début des années 1970. Une publication précoce et largement diffusée, affirmait « l'interdisciplinarité ne s'apprend ni ne s'enseigne, elle se vit » (cité et critiqué par G. Palmade en 1977). Des contributions anciennes n'ont guère perdu en actualité, comme une interrogation sur les rapports entre théorie et pratique dans l'interdisciplinarité parue en 1983, donnant la primauté à une pratique de questionnement scientifique avant la théorie (pluri-, inter-, ou transdisciplinaire) et évoquant la labilité et la fluidité dans la mise en place de « appareils théoriques ou méthodologiques spécifiques et partiellement périssables ». Parmi les publications plus récentes, des chercheurs britanniques proposent une approche intégrant les structures de pouvoir (« states of rest »), les relations asymétriques et une approche phénoménologique par une analyse des sentiments développés au cours du travail interdisciplinaire (« feeling fuzzy », Callard-Fitzgerald, 2015). Certaines de leurs analyses critiques sont très pertinentes et, au fond, rappellent et actualisent celles de G. Palmade : l'injonction à l'interdisciplinarité crée celle-ci avec ses difficultés matérielles, et, notamment dans un contexte d'emploi universitaire précaire, les mobilités géographiques et thématiques. Aussi importants sont les bonheurs et les souffrances de jeunes gens qui, pour les profils les plus « humanités numériques », éprouvent des difficultés dans leurs choix de carrière et dans leurs perspectives de recrutement. Ces obstacles, signalés depuis les débuts de la réflexion sur le sujet, existent bien et l'on peut insister sur la charge morale que la pratique interdisciplinaire peut faire peser.
De l'amont à l'aval, de la conception à la réalisation du projet, mais aussi pour l'avenir des intervenant:e:s, les projets interdisciplinaires ont un coût en ce qu'il faut programmer « en plus » pour des recherches de cette nature : apprendre à se connaître, trouver un terrain commun pour définir les modalités de collaboration (par ex. prestation de service, recherche dans plusieurs champs en parallèle), identifier les bons acteurs, rédiger des projets, apprendre les bonnes méthodes du travail en interdisciplinarité et les mettre en œuvre, communiquer avec des équipes nouvelles, interpréter en commun les résultats des différentes équipes, préparer les projets suivants et préserver l'employabilité des personnes impliquées dans le projet.